Pascale Dufour et Héloïse Nez
Mettre en dialogue les expériences de l’AIT avec celles des mouvements sociaux récents, comme les Indignés européens et le mouvement Occupy en Amérique du Nord est instructif. Il nous permet de poser de front plusieurs questions souvent évacuées. Notamment, peut-on avoir une interprétation linéaire du développement de la contestation contre le capitalisme au fil des siècles, en mettant de l’avant les filiations – directes ou indirectes – entre ces deux moments de luttes? Au-delà du jeu des ressemblances-différences, cette mise en perspective permet également d’éclairer certaines transformations de nos sociétés capitalistes avancées, que ce soit sur le plan des acteurs de la lutte ou sous l’aspect de la construction des solidarités transnationales.
Afin de circonscrire notre propos, nous limitons cette mise en relation temporelle aux cas des Indignados en Espagne et des Occupiers aux États-Unis. Des diversités importantes existent entre les différents mouvements anti-austérité en Europe[1] et il aurait été hors de notre portée, dans le cadre de ce travail, de faire justice à cette diversité. Notre analyse s’appuie sur un recensement de la littérature existante et sur une enquête de terrain réalisée à Madrid depuis la fin mai 2011, à partir principalement d’observations participantes d’assemblées et de manifestations.
Ce chapitre est organisé en trois parties. La première, plus générale, nous permet de situer les mouvements Occupy et Indignés par rapport à l’idée de la lutte des classes. En effet, certains slogans militants remettent directement en question la structure de classes de nos sociétés de capitalisme financier, opposant le 1 % des plus riches aux 99 % restants. Néanmoins, au-delà des mots, la dénonciation des inégalités économiques extrêmes ne suffit pas à créer une nouvelle lutte des classes. Les transformations du capitalisme dans les 30 dernières années ont certes fait émerger une classe de « très » privilégiés, mais elle a également rendu plus complexes les différences de statut social et les régimes d’inégalités[2]. Sur le plan sociologique, les travaux existants montrent également que les plus mobilisés ne sont pas les plus démunis des sociétés en crise, mais plutôt une frange éduquée de la jeunesse dont l’insertion dans le monde du travail est largement compromise. Des différences significatives existent aussi entre les deux continents, qu’il est important de mettre de l’avant par une sociologie aussi précise que possible des militants. En bref, le moteur des luttes ne peut se réduire à une opposition de classe.
La seconde partie abordera plus précisément la question de la place et du rôle des syndicats dans les mouvements récents, en considérant les cas de l’Espagne et des États-Unis. En effet, ici aussi, des différences importantes existent entre les deux sociétés qui relèvent à la fois de la place et du rôle du syndicalisme dans chaque espace national, mais aussi des dynamiques existantes dans le champ des mouvements sociaux. Si les connexions ont été plus rapidement établies entre les Occupiers américains et certains syndicats, elles ont fait davantage débat en Espagne du fait d’une défiance importante des Indignés à l’égard du syndicalisme institutionnalisé. Elles se sont soldées, dans les deux cas et malgré des actions communes, par des différends quant aux stratégies à privilégier et aux formes d’organisation à adopter.
Finalement, la dernière partie abordera la question des solidarités transnationales et de l’internationalisation de la contestation. Nous verrons que les Indignés et les Occupiers sont des militants ancrés nationalement qui demandent à l’État national de transformer ses politiques afin de mieux répartir la richesse. Cependant, ils travaillent, en même temps, à la construction de solidarités au-delà de leurs frontières, dans la perspective de faire converger les luttes et de transformer le monde. Héritiers de la première Internationale, ils s’en distinguent également par le caractère moins planifié de la transnationalisation en cours.
Le conflit de classe au cœur des luttes actuelles?
La majorité des observateurs du mouvement Occupy aux États-Unis a mis de l’avant son rôle dans la remise sur l’agenda public de la question des inégalités sociales[3]. Le slogan d’Occupy, « Nous sommes les 99 % » faisait directement appel à l’idée de la confiscation des richesses par une minorité de personnes extrêmement riches qui s’opposeraient à la vaste majorité des citoyens américains. Cette thématique de l’extrême inégalité suffit-elle pour remettre à l’avant-plan la lutte des classes, au cœur de la fondation de l’AIT?
Nous répondrons par la négative en avançant deux arguments :
- Ce qui est dénoncé par Occupy et le mouvement des Indignados, c’est la financiarisation de l’économie de marché, son outrecuidance, ses excès, et moins sa logique de fonctionnement. La question centrale soulevée par les militants en 2011 est plus l’appropriation excessive des richesses par une infime minorité, son caractère immatériel et déconnecté de la vie des citoyens ordinaires, le pouvoir excessif et non démocratique des institutions bancaires nationales et internationales, et beaucoup moins le fait que dans le système capitaliste, la production de richesses repose sur une injustice fondamentale mise en avant par Marx : l’appropriation par des capitalistes des moyens de production.
- Sur le plan plus sociologique, les mobilisés sont davantage des personnes qui sont en situation ou à risque de déclassement plus que le « lumpenprolétariat » moderne, vivant dans des situations de grande pauvreté et/ou précarité. Autrement dit, et malgré les différences entre les deux continents, les Indignés et les Occupiers ne représentent pas l’équivalent de la classe ouvrière et, en ce sens, ils peuvent difficilement soutenir une lutte dont le moteur serait le conflit de classes.
Ce qui est dénoncé : « Nous sommes les 99 % »
La dénonciation des transformations récentes du système économique capitaliste, c’est-à-dire le processus de financiarisation de l’économie et l’accroissement des très grandes inégalités, représente un point commun des mouvements. À noter que chez les Indignés espagnols, cette dénonciation du système économique s’accompagne d’une critique très forte du système politique en place (et la précède même dans certains cas), ce qui est moins le cas aux États-Unis. En bref, et pour simplifier, le point d’entrée dans la contestation est avant tout économique aux États-Unis alors qu’il est surtout politique en Espagne, comme en témoignent les principaux slogans (« Nous sommes les 99 % » aux États-Unis; « Ils ne nous représentent pas » en Espagne) et les lieux choisis pour installer les campements. En effet, à la Puerta del Sol à Madrid, où se trouve le siège du gouvernement régional, une plaque indiquant le « kilomètre zéro de l’Espagne » et, à 500 mètres, la Chambre des députés, symbolise le pouvoir politique et la centralité de la décision; alors que la bourse à New York ou la banque fédérale à Boston sont davantage des icônes du pouvoir économique et financier international.
Sur le plan économique, les militants des deux continents dénoncent la stagnation, voire le recul, des salaires bas et moyens (ainsi que la forte augmentation du chômage en Espagne, qui touche plus de 20 % de la population active quand émerge le mouvement des Indignés) et l’explosion des salaires de l’élite financière. Leurs slogans et discours ont nettement favorisé une repolarisation du débat (eux contre nous), qui permet de repenser une forme de conflictualité sociale globale. Par ailleurs, un lien est établi, dans les discours militants, entre la corruption de cette élite financière et la corruption-collusion du personnel politique au service de cette élite. Les identités et intérêts des 99 % seraient, pour le coup, orphelins de représentation politique, et les systèmes politique et économique en crise.
Mais au-delà de cette binarité discursive, qui pourrait favoriser le retour d’une forme de lutte des classes, il demeure complexe d’identifier en pratique un ennemi précis : qui est l’élite financière? Comment s’attaque-t-on à une banque ou un système bancaire, à des organisations internationales telles que le FMI ou la Banque mondiale? Les difficultés rencontrées par les militants depuis 2011 ne sont pas très différentes de celles qui ont toujours handicapé les militants altermondialistes depuis la fin des années 1990. À la différence des luttes ouvrières des débuts de l’industrialisation, la figure du « patron » ne peut plus être le point d’ancrage de la contestation.
D’ailleurs, la mouvance altermondialiste et les mobilisations post-2011 ont été confrontées à des problèmes semblables de construction interne de solidarités. Il est vrai que les mouvements récents, tout comme une partie des altermondialistes, refusent de se constituer en mouvement unifié (nous y reviendrons) – mettant l’accent sur l’expérimentation des alternatives ici et maintenant, plutôt que sur la constitution d’une force sociale unifiée qui pourrait avoir un impact politique plus classique. Néanmoins, ce refus n’est pas uniquement le résultat d’un choix idéologique décidé a priori, mais aussi de difficultés pratiques à construire une solidarité forte et, surtout, durable entre des personnes disparates. Si les ouvriers de la première Internationale se retrouvaient dans la dénonciation de l’aliénation provoquée par la domination d’une classe sur une autre, les Indignés et les Occupiers partagent peu une conscience de classe commune. Comment construire du « commun » entre un jeune de 25 ans diplômé de l’université issu d’une famille de la classe moyenne, un ouvrier non qualifié de 45 ans licencié et une jeune mère migrante sans formation? Pour y voir plus clair, il est nécessaire de préciser qui sont ces nouveaux mobilisés.
Qui sont les mobilisés?
Les travaux de recherche disponibles permettent de répondre partiellement à cette question qui présente des difficultés méthodologiques. Notamment, la nature même des mouvements sociaux à l’étude, au caractère éruptif et provisoire, implique que des équipes de chercheurs soient très rapidement présentes sur les lieux avec une batterie de questionnaires prêts à l’emploi, et ce, sur une période relativement longue, pour avoir une image la plus juste possible des participants.
Les portraits sociologiques disponibles, aussi imparfaits soient-ils, nous permettent tout de même de préciser quelques traits caractéristiques, parfois assez éloignés des représentations médiatiques qui en ont été faites. En Espagne[4], les Indignés représentent une population très intergénérationnelle et hautement éduquée. Les étudiants et les chômeurs ont bien sûr participé au mouvement, mais la majorité des répondants a déclaré être dans une situation financière relativement bonne. Ils étaient cependant inquiets pour leur avenir et critiques des leaders politiques et économiques en place. Par ailleurs, les participants déclaraient voter dans une proportion plus grande que la moyenne de la population, pour la plupart ne pas appartenir à des groupes sociaux ou politiques, et s’identifiaient davantage à des idéologies politiques de gauche.
Aux États-Unis, le portrait est sensiblement différent. À New York, les occupants de Wall Street étaient majoritairement composés de jeunes adultes éduqués, avec peu de diversité de classes ou culturelle[5]. La plupart vivaient des difficultés d’insertion sur le marché du travail et les plus jeunes (moins de 30 ans) avaient des dettes importantes. La majorité des personnes impliquées activement dans la mobilisation avait connu des expériences militantes préalables dans les groupes communautaires, les syndicats, les organismes de défense des droits des migrants, des groupes anti-guerre ou groupes de femmes, et même des formations politiques. La plupart avaient été des partisans d’Obama lors des élections de 2008, mais plusieurs étaient déçus du gouvernement en place.
Comme on le voit, la question du déclassement – et de la peur du déclassement – est plus présente chez les mobilisés que la lutte des classes en tant que telle. Ce sont les difficultés à accéder à l’emploi et/ou à un niveau de vie congruent au niveau de qualification qui sont en cause dans les deux sociétés, de même que l’absence de perspective (comme l’indique clairement le slogan « Searching for a future »). Même si les deux groupes de mobilisés se distinguent par l’âge (plus intergénérationnel en Espagne et plus jeune aux États-Unis), ils se comparent très bien sous l’angle de la « frustration relative »[6]. Selon cette théorie, ce ne sont pas les plus démunis d’une société qui se révoltent et s’engagent dans une action collective, mais ceux pour qui la perception du bien-être projeté est en décalage par rapport à leurs attentes. Critiquée à plusieurs reprises pour son aspect mécanique, la théorie de Ted Gurr revient à l’ordre du jour, tant la situation des mobilisés correspond aux situations qu’il a décrites. Étant plutôt éduqués (et donc endettés dans le cas des jeunes Américains), ayant fait les efforts et sacrifices nécessaires pour bien fonctionner dans l’économie de marché, l’absence de perspective d’avenir, la crainte du chômage ou de ne pas accéder aux emplois convoités peuvent créer une situation de frustration qui favorise la mobilisation. Évidemment, le potentiel mobilisateur des inégalités perçues et vécues varie d’un pays à l’autre et en fonction des époques. Aux États-Unis, les travaux montrent qu’il existe une plus forte acceptation des inégalités que dans les pays du nord de l’Europe ou même qu’en France, parce que les Américains croient davantage aux possibilités de mobilité sociale que les autres sociétés – même si, dans les faits, les États-Unis présentent une mobilité moindre que la France[7].
Sans statuer sur la validité de cette théorie, retenons que depuis les années 1970, la structure de classe des sociétés s’est effectivement transformée. On a beaucoup parlé du rétrécissement de la classe moyenne qui accompagne la croissance fulgurante des très fortes inégalités. Nous retenons aussi le processus d’individualisation des situations inégalitaires qui ne permet plus de réduire la discussion des inégalités à une question d’appartenance de classe sociale. Aujourd’hui, les inégalités se développent selon des logiques multiples d’appartenance culturelle, de genre, d’orientation sexuelle, etc. François Dubet parle, à ce propos, de régimes complexes d’inégalités qui rendent peu opérants la réflexion sur la stratification sociale et ses effets en termes de classes sociales[8]. S’il joue un rôle mobilisateur et fait parler d’inégalités sociales, le slogan « Nous sommes les 99 % » ne permet pas de penser cette complexité des inégalités contemporaines et des rapports de domination[9] et empêche de considérer les différenciations en interne aux 99 %[10].
Au final, les mobilisations post-2011 ont bel et bien réhabilité le conflit à propos de la structure économique des sociétés. Cependant, ce conflit ne s’organise plus autour de la lutte d’une classe contre une autre, mais se décline en de multiples sources potentielles de domination, particulièrement difficiles à combattre. C’est dans ce contexte que le mouvement ouvrier et les syndicats ont dû trouver leurs places.
La place ambiguë du syndicalisme
Cette complexification des rapports de domination a fait l’objet de débats récurrents dans les assemblées des Indignés à Madrid, notamment dans le quartier populaire de Vallecas, qui se caractérise par une tradition politique ancrée dans le mouvement ouvrier. Au sein de cette assemblée de quartiers, des syndicalistes – essentiellement des hommes âgés de 50 à 70 ans – créent un groupe de travail « sur le travail ». Lorsqu’ils décident de se nommer « mouvement ouvrier », à l’assemblée générale du 16 juillet 2011, des Indignés réagissent, notamment de jeunes femmes : « C’est bien le “mouvement ouvrier”, mais il y a des gens qui ne sont pas ouvriers ici, nous sommes des artistes, des indépendants, etc. J’en ai ras le bol qu’on parle toujours des ouvriers, vous dites que vous ne vous sentez pas représentés, mais je ne me sens pas représentée par vous! » ; « Il y a quelque chose que je n’ai pas bien compris, c’est le groupe “sur le travail” ou “le mouvement ouvrier” ? Le mouvement ouvrier, c’est le nom d’un syndicat? » Le porte-parole du groupe de travail « sur le travail » défend alors un discours focalisé sur la classe ouvrière, qui rencontre peu d’écho au sein de l’assemblée : « C’est devenu excluant de dire “ouvrier”, mais c’est pas nous qui avons inventé les classes sociales et il y a une fierté à être ouvrier! » Ces vifs échanges soulignent les difficultés à définir le mouvement des Indignés, une minorité défendant une organisation de la classe ouvrière et une analyse en termes de lutte des classes, alors que la plupart se retrouvent autour d’une identité beaucoup plus large sans référence directe à l’appartenance de classe. Comme nous l’avons vu, la base sociale du mouvement est cependant davantage liée au monde du travail qu’aux secteurs les plus vulnérables de la société : « Bien que le mouvement essaie d’éviter une identification fermée avec la classe ouvrière traditionnelle, on ne peut pas nier que la majorité des participants appartiennent aux classes travailleuses dans un sens large qui inclurait les classes moyennes. (…) Les activistes se définissent aussi en référence au monde du travail, bien qu’ils revendiquent plus une diversité de figures et de situations de travail qu’une identité fermée de travailleur, d’ouvrier ou de prolétaire[11] ».
Au-delà des conflits sur les termes, c’est la place du syndicalisme qui est ici interrogée. À l’assemblée générale de Vallecas le 2 juillet 2011, le porte-parole du groupe « sur le travail » propose « qu’on se prépare à soutenir la grève générale que peuvent convoquer les syndicats alternatifs de base », ce qui suscite des réticences parmi la majorité des participants : « La grève a été une conquête importante de la classe ouvrière, on a obtenu des choses de cette manière-là, mais aujourd’hui on doit envisager d’autres outils. Il faut repenser beaucoup de choses qui ont été établies, y compris par la classe ouvrière ». Pourquoi l’héritage du mouvement ouvrier et les modes d’action du syndicalisme sont-ils aussi directement remis en question par les indignés? Il faut d’abord voir que la légitimité des syndicats majoritaires – Commissions ouvrières (CCOO) et l’Union générale des travailleurs (UGT) – est fortement remise en cause depuis la signature d’un accord sur la réforme des retraites, le 4 février 2011, de telle sorte qu’ils sont également visés par le slogan « Ils ne nous représentent pas ». Historiquement, ces confédérations syndicales ont emprunté un mode d’action modéré, depuis la transition démocratique, ce qui n’a cessé de susciter des conflits au sein du mouvement social espagnol[12]. D’ailleurs, la manifestation du 15 mai 2011, point de départ des Indignados (d’où l’appellation, plus répandue en Espagne, de « mouvement du 15M »), n’est pas convoquée par des syndicats ou des partis politiques, mais par des collectifs qui se sont constitués sur Internet (ainsi que certains groupes plus anciens, comme Attac-Espagne). On peut y voir non seulement une critique de l’action syndicale institutionnalisée, mais également un effet du chômage et de la précarisation du travail, en particulier chez les jeunes : « Face à la disparition des espaces de réunion sur les lieux de travail, Internet devient le point de rencontre virtuel de nombreux jeunes militants. L’augmentation de la précarité et de l’emploi temporaire de la jeunesse, qui est l’acteur principal du mouvement du 15M, limite l’utilité du syndicat comme outil de lutte[13] ».
La position que les Indignés expriment dans les assemblées à l’égard des syndicats est toutefois plus ambiguë que vis-à-vis des partis politiques, car plusieurs participants sont par ailleurs des militants syndicaux, même s’ils interviennent à titre individuel. Les assemblées de quartiers apparaissent, en particulier, comme un « espace de confluence entre vieux et nouveaux militants »[14], où des personnes ayant déjà une expérience militante (dont des syndicalistes) trouvent un nouvel espace d’expression et d’engagement[15]. Une différenciation y est rapidement établie entre les syndicats « de base » ou « combatifs », avec lesquels des alliances et des actions communes sont possibles, et les syndicats majoritaires faisant l’objet de critiques virulentes. Comme l’expliquent Ángel Calle et José Candón dans leur analyse des liens entre syndicats et Indignés, « le mouvement du 15M a plus fonctionné comme un espace de mobilisation que comme un mouvement en lui-même, et rapidement il a accueilli au sein de cet espace commun le secteur du militantisme davantage lié aux conflits du travail[16] ». Comme à Vallecas, des groupes de travail « sur le travail » ont ainsi été créés dans de nombreuses assemblées de quartiers, tandis que des syndicalistes ont pris part au mouvement. Des manifestations communes ont également été organisées entre les Indignés et les syndicats, même si les points de départ des rassemblements ont parfois été différenciés pour manifester les désaccords d’une partie des Indignés à l’égard de l’action syndicale institutionnalisée.
À travers ces connexions avec les luttes issues du monde du travail, les Indignés ont eu une influence sur le syndicalisme. Comme le démontre Sophie Béroud[17] à partir d’entretiens avec des responsables de CCOO et UGT, les syndicats ont cherché à montrer qu’ils échappaient à la critique de l’institutionnalisation et de la coupure avec la société civile. Ils ont également diversifié leurs formes d’intervention depuis le mouvement du 15M : de façon unitaire, les deux principales confédérations syndicales ont provoqué deux grèves générales en 2012, alors qu’elles en avaient seulement organisé cinq entre 1975 et 2010. Sophie Béroud montre ainsi que le mouvement du 15M n’est pas une séquence de mobilisation isolée : outre ces deux grèves générales, il est suivi par d’importantes mobilisations sectorielles dans les services publics affectés par les coupes budgétaires. Ces « marées » de différentes couleurs (verte pour l’éducation, blanche pour la santé, etc.) se sont organisées sous la forme d’assemblées, sous l’influence directe du mouvement des Indignés[18]. C’est le cas de la « marée verte », initiée dans la communauté autonome de Madrid, puis diffusée dans d’autres régions espagnoles, qui s’est structurée à partir d’assemblées locales dans chaque établissement, où des comités de défense de l’école publique ont été mis en place. Ce mode d’organisation a toutefois provoqué des conflits avec les représentants syndicaux, comme en témoigne cet échange entre une enseignante (Clara) et une responsable syndicale (María) à une réunion de professeurs d’enseignement secondaire dans une ville au sud de Madrid, le 13 octobre 2011 : « (Clara) Il y a les syndicats, mais les professeurs, nous voulons un système d’assemblées, on n’est pas tous dans un syndicat, mais on a le droit de donner notre opinion. (María) : Aux CCOO, 11 000 personnes ont voté pour nous aux dernières élections, on représente plus de 14 000 adhérents. […] Ce sont ceux qui ont le plus de représentation qui peuvent impulser un mouvement fort, nous avons l’expérience, sans ça il n’y a pas la force suffisante ». Plus généralement, les leaders syndicaux espagnols critiquent l’absence de structure et le refus de toute forme organisationnelle stabilisée chez les Indignés[19].
Si on retrouve finalement le même conflit aux États-Unis, la situation se présente initialement d’une autre manière, des collaborations étant recherchées et tissées très rapidement et localement entre des mouvements Occupy et plusieurs syndicats. Ces derniers sont perçus comme de potentiels alliés par les Occupiers, car ils partagent des revendications communes dans la lutte contre les inégalités et apportent un soutien financier, matériel et humain aux campements et manifestations organisées à l’automne 2011[20]. Ces collaborations sont toutefois limitées dans le temps et dans l’espace. L’alliance entre Occupy Oakland et l’un des principaux syndicats de débardeurs constitue l’expérience la plus aboutie, avec l’organisation d’une grève générale le 2 novembre 2011 (la première aux États-Unis depuis 1946) et une action qui a entraîné la fermeture de plusieurs ports de la côte Ouest le 12 novembre 2011[21]. Elle a toutefois été de courte durée, à cause de désaccords sur les tactiques à suivre et les questions de leadership. De la même manière, des tensions sont apparues entre Occupy Wall Street (qui constitue, aux yeux de nombreux Occupiers, un prolongement d’une journée d’action organisée par les syndicats le 12 mai 2011) et des syndicats qui avaient manifesté une solidarité croissante à l’égard du mouvement, à mesure que celui-ci se développait. Le conflit s’est cristallisé, ici aussi, autour des formes d’organisation, entre la structure formalisée du mouvement syndical et les pratiques horizontales d’organisation et de prise de décisions par consensus des Occupiers, influencées par les mouvements anarchistes[22].
Comme on le voit, il n’y a pas d’alliance naturelle entre les milieux militants syndicaux et les mobilisations post-2011, même si, de part et d’autre de l’Atlantique, les militants tentent de construire des stratégies d’action commune. Au-delà des tensions, liées aux dynamiques politiques et sociales nationales évoquées, des questionnements similaires émergent dans la construction des solidarités transnationales et la possibilité de l’internationalisation de la lutte.
Luttes nationales, internationalisation et construction de solidarités transnationales
La première Internationale visait la coopération à travers le monde de la classe ouvrière pour mettre fin au capitalisme. L’internationalisme ouvrier de l’époque était fondé sur une vision cosmopolite comme objectif ultime, mais se construisait à partir des États-nations existants. Ainsi, les sections de l’AIT représentaient des pays (et non des corps de métiers ou des secteurs de production). Cet internationalisme ouvrier était aussi porteur d’idéologies et de stratégies contradictoires, qui finiront par mener à sa perte. Mentionnons, notamment, deux éléments qui font écho aux luttes actuelles : la question du mode d’organisation interne et celle des alliances possibles avec le monde politique partisan.
Avec les Indignés et Occupiers (et avant eux, les militants altermondialistes), la volonté de l’internationalisation au sens de la création d’une organisation internationale n’est pas présente. Au contraire, elle est plutôt source de débats et de divisions. Comment travailler à la transformation sociale mondiale sans s’unir (ou se fondre) dans une organisation commune? Comme chez les anarchistes de l’époque, on trouve une grande résistance parmi les militants au principe de la délégation du pouvoir et au système représentatif fondé sur les partis politiques. Cependant, cette méfiance vis-à-vis des partis est aujourd’hui moins fondée sur la peur de la compromission auprès de l’État et de ses politiques réformistes qui éloignent la perspective du grand soir et beaucoup plus sur une méfiance vis-à-vis de « l’avant-garde » organisationnelle qui cherchera à tout coup à instrumentaliser la lutte à ses propres fins. Autrement dit, le rejet des organisations formelles touche également la forme syndicale (fonctionnant de manière hiérarchique, avec des délégués) ou les groupes sociaux plus institutionnalisés, et pas seulement les partis. Ce qui est en cause, c’est bien la crainte de l’unité forcée nécessaire au fonctionnement des organisations. Bien sûr, les militants des places occupées entretiennent des relations de méfiance avec les acteurs politiques partisans et sont peu portés à créer des alliances explicites avec les partis politiques – même si certaines initiatives récentes en Espagne (comme la formation du « Partido X » ou de « Podemos » pour une candidature aux élections européennes) sont promues par des Indignés, sans faire consensus au sein du mouvement. Il nous semble toutefois que la critique porte plus sur la forme elle-même que sur les liens existants entre les partis et le système de représentation politique ou avec « l’appareil d’État ».
Avant même l’émergence des mouvements Indignés et Occupy, le débat qui illustre le mieux ce conflit est sans doute celui qui oppose, au sein de la mouvance altermondialiste, les partisans de la conversion des Forums sociaux mondiaux (FSM) en force sociale et politique plus unifiée de lutte contre la mondialisation (une sorte de troisième Internationale) à ceux qui travaillent pour le maintien des forums sociaux comme espaces non délibératifs et n’appartenant à aucune représentation collective[23]. Les premiers reprochent aux seconds de ne pas avoir résolu la grande question du relais politique mondial de ces luttes en l’absence de volonté claire de le faire. Autrement dit, comment les forums sociaux mondiaux peuvent-ils devenir des leviers puissants ou efficaces de résistance politique s’ils n’ont pas de suite politique organisée? Les partisans du forum-espace valorisent le respect de la diversité et la célébration des différences; ils mettent de l’avant une méthodologie particulière (l’espace ouvert), inscrite dans la Charte de Porto Alegre de 2001, comme garante de ces finalités et comme moyen d’atteindre une convergence des luttes. Cette convergence serait le résultat non pas d’un travail organisationnel, mais d’un travail militant d’apprentissage mutuel. En cela, les partisans du forum-espace sont davantage en phase avec la diversification des régimes d’inégalités dont nous avons parlé dans la première partie. Cette position ne signifie donc pas qu’il n’y a pas de travail de coopération entre les réseaux militants au-delà des frontières nationales – l’expérience des FSM est justement un lieu physique devant permettre la construction de ces solidarités mondiales –, mais plus que la recherche de coopération résulte de pratiques militantes et non d’une orientation imposée.
Pour une partie des observateurs, il faut souligner les continuités existant entre l’altermondialisme des années 2000 et les luttes des Indignés et Occupiers à partir de 2011, notamment sur le plan du rejet des structures organisationnelles formelles et du discours critique vis-à-vis de la démocratie représentative[24]. En cela, les filiations entre les mouvements sont claires. Néanmoins, pour plusieurs autres observateurs, la différence entre les mouvements récents et l’altermondialisme est le retour au national et aux revendications qui concernent l’État-nation[25]. Dans un contexte de crise économique, ce retour au national serait tout à fait normal; il éloignerait, cependant, la perspective de la transnationalisation ou de la création de forces mondialisées. En cela, les militants des places occupées seraient plus proches des activistes de la première Internationale qui cherchaient à construire une coopération internationale à partir de l’ancrage national des militants.
Cet argument demeure un peu faible dans la mesure où les contextes dans lesquels se déroulent ces luttes sont réellement distincts, au point où les mots ne revêtent plus tout à fait la même signification. Par exemple, dans les milieux syndicaux, on est passé d’une conception de la coopération internationale où les organisations du Nord venaient en aide ou en soutien aux organisations du Sud à une conception où les syndicats du Nord et du Sud travaillent ensemble, parce qu’ils se sont rendu compte de l’interdépendance des conditions des travailleurs : phénomène de délocalisation, conditions de travail au Nord et au Sud, etc. Le même phénomène existe pour les solidarités paysannes ou les solidarités entre femmes du monde. Ces formes de transnationalisation, que l’on retrouve chez les Indignés et Occupiers, sont basées sur la construction de solidarités entre des militants et entre des réseaux, afin de construire de nouvelles échelles de luttes par-delà les frontières nationales. Ces pratiques de transnationalisation (échanges, apprentissages, soutien mutuel, coordination d’actions mondiales) ne passent pas forcément par des revendications qui ciblent des institutions internationales (ce qui est possible, mais pas obligatoire). Il s’agit d’un processus en construction, basé sur un travail militant quotidien, plus que d’un mot d’ordre idéologique, comme lors de la première Internationale.
Par exemple, les Indignés espagnols accordent, dès le départ, une grande importance à la diffusion internationale de leur mouvement, avec la création d’une commission « d’extension internationale » visant à diffuser le « modèle » du campement de Puerta del Sol dans d’autres pays. La diffusion de la lutte et de ses formes d’action, en particulier les pratiques de démocratie interne, s’opère par Internet, les réseaux sociaux et des contacts directs – principalement via la diaspora espagnole et des militants faisant le voyage, à New York par exemple[26]. Des apprentissages d’un site à l’autre sont ainsi liés à la mobilisation d’acteurs transnationaux comme les migrants et à la circulation internationale de militants, mais aussi à la traduction de documents (à l’instar du manifeste de l’assemblée générale de Puerta del Sol traduit en vingt langues). La résonnance transnationale de ces mouvements dépend aussi du partage de conditions structurelles et de l’existence de réseaux d’inspiration libertaire ou anarchiste[27]. Des actions transnationales ont également été organisées, à partir de la commission « d’extension internationale » de Puerta del Sol et du réseau international « Take the square », comme la convocation d’une manifestation « globale » le 15 octobre 2011 qui aurait rencontré un écho dans 1 040 villes de 90 pays[28]. On peut ici souligner des liens avec la tradition de l’internationale ouvrière, en particulier la journée internationale des travailleurs célébrée dans de nombreux pays le 1er mai. En d’autres mots, des liens transnationaux sont créés et modifient le cours même des actions et des luttes nationales, mais les militants résistent fortement à l’idée de structurer trop formellement la lutte mondiale.
Conclusion
Au final, un certain nombre d’héritages et de filiations peut être repéré entre les expériences de l’AIT et les mouvements Indignados et Occupy, comme la prédominance de la lutte contre les inégalités sociales ou la tentative de créer des solidarités internationales à partir d’un ancrage national. Ce qui ressort toutefois de l’analyse des mouvements actuels, à partir des cas espagnol et états-unien, est davantage les facteurs de démarcation vis-à-vis de l’AIT, quant à la place beaucoup moins centrale des classes sociales et de la lutte sociale en leur sein, leur relation plus ambiguë et complexe avec le syndicalisme et les conflits liés au travail, ainsi que leurs formes d’organisation et de démocratie interne. Cette dernière dimension constitue probablement l’un des principaux apports des mouvements Indignados et Occupy, qui ont réussi à diffuser auprès d’un large public des pratiques démocratiques jusque-là confinées dans des cercles militants. Comme le souligne Jeffrey Juris[29], l’enjeu reste toutefois de rendre davantage accessibles ces procédures de prise de parole et de décisions aux groupes dominés de la société, à commencer par les ouvriers et les gens de couleur.
[1] Social Movement Studies, « Special issue. Occupy! », vol. 11, n° 3-4, 2012, p. 1474-2837; Marcos Ancelovici, Pascale Dufour et Héloïse Nez (dir.), Street Politics in the Age of Austerity: From the Indignad@s to Occupy, Amsterdam, Amsterdam University Press, à paraître.
[2] François Dubet, « Régimes d’inégalité et injustices sociales », Sociologies, 18 octobre 2011, <http://sociologies.revues.org/3643>
[3] Par exemple : Noam Chomsky, Occupy, Brooklyn, Zuccotti Park Press, 2012.
[4] Des enquêtes ont été réalisées sur les campements de Salamanque (Kerman Calvo, Teresa Gómez-Pastrana et Luís Mena, « Movimiento 15M: ¿quiénes son y qué reivindican? », Zoom Político, Fundación Alternativas, n° 4, p. 4–17) et Bilbao (Javier Arellano et al., 15-M Bilbao: Estudio de dinámicas sociales en torno a las movilizaciones del 15-M en Bilbao, Vitoria Gasteiz, Servicio Central de publicaciones del Gobierno Vasco, 2012), puis à Madrid (Tiina Likki, « 15M Revisited: A Diverse Movement United for Change », Zoom Político, Fundación Alternativas, n° 11, p. 1–16).
[5] Ruth Milkman, Stephanie Luce et Penny Lewis, Changing the subject: a bottom-up account of Occupy Wall Street in New York City, 2013, <http://sps.cuny.edu/filestore/1/5/7/1_a05051d2117901d/1571_92f562221b8041e.pdf>
[6] Ted Gurr, Why Men Rebel, Princeton, Princeton University Press, 1970.
[7] François Dubet, « Régimes d’inégalité et injustices sociales », op. cit.
[8] Ibid.
[9] Marcos Ancelovici, « Le mouvement Occupy et la question des inégalités : ce que le slogan “Nous sommes les 99 %” dit et ne dit pas », dans Francis Dupuis-Déri (dir.), Par-dessus le marché! Réflexions critiques sur le capitalisme, Montréal, Les éditions Écosociété, 2012.
[10] Jeffrey Juris et al., « Negotiating power and Difference within the 99 % », Social Movement Studies, vol. 11, n° 3-4, p. 434-440.
[11] Ángel Calle et José Candón, « Sindicalismo y 15M », dans Marta Cruells et Pedro Ibarra (dir.), La democracia del futuro: del 15M a la emergencia de una sociedad civil viva. Madrid, Icaria Editorial, 2013, p. 164.
[12] Robert Fishman, « On the Significance of Public Protest in Spanish Democracy », dans Jacint Jordana et al. (dir.), Democracia, Politica I Societat: Homenatge a Rosa Viros, Universitat Pompeu Fabra, Barcelona, 2012.
[13] Ibid, p. 155-156.
[14] Patricia García, « El 15M: de vuelta al barrio como espacio de lo político », Revista internacional de pensamiento político, n° 7, 2012, p. 291–310.
[15] Béroud Sophie, « The Spanish Labor Movement and the Indignados: From Rejection to Cross-Influences », dans Marcos Ancelovici, Pascale Dufour et Héloïse Nez (dir.), Street Politics in the Age of Austerity, op. cit., à paraître.
[16] Ángel Calle et José Candón, « Sindicalismo y 15M », op. cit., p. 165-166.
[17] Béroud Sophie, « The Spanish Labor Movement and the Indignados… », op. cit.
[18] Ramón Adell, « Re-movilización social en contexto de crisis », Congrès de la Fédération espagnole de sociologie, Madrid, 10 juillet 2013.
[19] Béroud Sophie, « The Spanish Labor Movement and the Indignados… », op. cit.
[20] Jenny Pickerill et John Krinsky, « Why Does occupy Matter? », Social Movement Studies, vol. 11, n° 3-4, p. 282.
[21] Josh Healey, « Whose streets? Our streets! », Red Pepper, n° 183, p. 41-43, <http://www.redpepper.org.uk/occupy-oakland-whose-streets-our-streets/>
[22] Benjamin Shepard, « Labor and Occupy Wall Street; Common causes and uneasy alliances », The Journal of Labor and Society, vol. 15, 2012, p. 121-134.
[23] Par exemple, Janet Conway, Edges of Global Justice. The World Social Forum and its ‘others’, London and NewYork : Routledge, 2013.
[24] Par exemple : Marianne Maeckelbergh, « Horizontal democracy now: from alterglobalization to occupation », Interface, vol. 4, n°1, 2012, p. 207-34.
[25] Par exemple : della Porta, Donatella and Mattoni, Alice, “Looking for the transnational dimension of protest from the Arab Spring to occupy Wall Street : An Introduction”, in Della Porta, Mattoni (eds.), Transnationalization, diffusion and the 2011 movements. From the Arab spring to Occupy Wall Street, Colchester, ECPR Press, à paraître.
[26] Eduardo Romanos, « From Tahrir to Puerta del Sol to Wall Street: A Comparison of Two Diffusion Processes within the New Transnational Wave of Protest », Colloque « Street Politics in the Age of Austerity », Montréal, 21 février 2013.
[27] Leonidas Oikonomakis et Jérôme Roos, « “Que No Nos Representan!” The Transnational Diffusion of Autonomous Self Organization from the Indignados to Occupy », Colloque « Street Politics in the Age of Austerity », Montréal, 21 février 2013.
[28] http://15october.net/, consulté le 1er novembre 2011.
[29] Jeffrey Juris et al., « Negotiating power and Difference within the 99 % », op. cit.