Pierre Beaudet
Dans plusieurs chapitres de cet ouvrage, la recherche de l’AIT et Marx sur les questions nationales et coloniales a été évoquée. De manière générale, l’AIT s’est construite dans un univers et un paradigme européen. Cette conception fut l’héritière du grand mouvement démocratique et prolétarien qui traversait l’Europe des années 1840, et que Marx avait résumé dans son fameux Manifeste du Parti communiste. Dans cette vision, le prolétariat européen dans les pays « plus avancés » portent un nouveau projet, le socialisme. Sous l’impact du capitalisme, « à la place de l’ancien isolement des provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une interdépendance universelle des nations »1. Les prolétaires, pour leur part, « n’ont pas de patrie », car « les démarcations nationales et les antagonismes entre les peuples disparaissent de plus en plus avec le développement de la bourgeoisie, la liberté du commerce, le marché mondial, l’uniformité de la production industrielle et les conditions d’existence qu’ils entraînent »2. Cette « marche irrésistible » de l’histoire fait en sorte que « la bourgeoisie entraîne dans le courant de la civilisation jusqu’aux nations les plus barbares. Le bon marché de ses produits est la grosse artillerie qui bat en brèche toutes les murailles de Chine et contraint à la capitulation les barbares les plus opiniâtrement hostiles aux étrangers »3.
Marx face au monde non-européen
Dans les années 1850 et 1860, les mouvements inspirés par l’AIT poursuivent leurs avancées. Les syndicats et les embryons de partis socialistes progressent, notamment en Angleterre et en Allemagne, tout en étendant leur influence en Europe du Sud (France, Belgique, Italie, Espagne), ainsi que dans les régions centrales et même en Russie. Localisé dans la capitale de l’Empire, Marx observe tout cela. En tant que journaliste-correspondant du grand journal de New York (the Daily Tribune), il commente l’actualité européenne, et notamment les péripéties entourant l’avancée de l’Empire britannique dans le monde. Ses écrits de l’époque sur la Chine et surtout sur l’Inde, sont teintés de son optimisme initial sur la « marche irrésistible de l’histoire. On perçoit également la tradition de Hegel et d’un universalisme défini par la philosophie européenne4.
Le colonialisme britannique en Inde, au-delà des prédations et des atrocités qu’il commet, aura pour effet d’amener le capitalisme dans ce pays, et de ce fait, de briser une société immuable caractérisée par le despotisme, une « vie stagnante, végétative, sans dignité. Selon Marx, l’intervention anglaise, même si elle est motivé par les « intérêts les plus abjects »5, a produit ainsi la plus grande, et à vrai dire, la seule révolution sociale qui ait jamais eu lieu en Asie6. Certes ajoute-t-il, le colonialisme anglais est motivé par les « intérêts les plus abjects », mais en réalité, l’Angleterre a permis l’établissement des fondations matérielles de la société moderne en Asie.
Le double impact du colonialisme selon Marx
[…] aussi triste qu’il soit du point de vue des sentiments humains de voir ces myriades d’organisations sociales patriarcales, inoffensives et laborieuses se dissoudre, se désagréger en éléments constitutifs et être réduites à la détresse, et leurs membres perdre en même temps leur ancienne forme de civilisation et leurs moyens de subsistance traditionnels, nous ne devons pas oublier que ces communautés villageoises idylliques, malgré leur aspect inoffensif, ont toujours été une fondation solide du despotisme oriental, qu’elles enfermaient la raison humaine dans un cadre extrêmement étroit, en en faisant un instrument docile de la superstition et l’esclave de règles admises, en la dépouillant de toute grandeur et de toute force historique. Nous ne devons pas oublier l’exemple des barbares qui, accrochés égoïstement à leur misérable lopin de terre, observaient avec calme la ruine des empires, leurs cruautés sans nom, le massacre de la population des grandes villes, n’y prêtant pas plus d’attention qu’aux phénomènes naturels, eux-mêmes victimes de tout agresseur qui daignait les remarquer. Nous ne devons pas oublier cette vie végétative, stagnante, indigne, que ce genre d’existence passif déchaînait d’autre part, par contrecoup, des forces de destruction aveugles et sauvages, faisait du meurtre lui-même un rite religieux en Hindoustan. Nous ne devons pas oublier que ces petites communautés portaient la marque infamante des castes et de l’esclavage, qu’elles soumettaient l’homme aux circonstances extérieures au lieu d’en faire le roi des circonstances, qu’elles faisaient d’un état social en développement spontané une fatalité toute-puissante, origine d’un culte grossier de la nature, dont le caractère dégradant se traduisait dans le fait que l’homme, maître de la nature, tombait à genoux et adorait Hanumân, le singe, et Sabbala, la vache. Il est vrai que l’Angleterre, en provoquant une révolution sociale en Hindustan, était guidée par les intérêts les plus abjects (…). Mais la question n’est pas là. Il s’agit de savoir si l’humanité peut accomplir sa destinée sans une révolution fondamentale dans l’état social de l’Asie. Sinon, elle fut un instrument inconscient de l’Histoire en provoquant cette révolution7.
Quant à l’éventuelle destruction du capitalisme et l’avènement d’une société socialiste, cela se fera dans les pays « avancés », industrialisés et modernes, grâce à l’action du prolétariat. Ce prolétariat, pense-t-il, est un sujet défini à l’intérieur de l’Europe (et plus tard de l’Amérique du Nord), ce qui fait que les peuples non-européens n’ont pas la possibilité de participer directement à l’émancipation.
Plus tard cependant, la position de Marx évolue. D’une part, il constate les ravages épouvantables du colonialisme, ce qui tempère fortement son enthousiasme pour la « mission régénératrice ». Il voit bien que la conquête de l’Inde, au lieu d’apporter la modernisation capitaliste, entraîne la multiplication des famines et la destruction de l’économie locale8. Il dénonce dans d’autres articles pour le Daily Tribune les massacres des femmes et des enfants qui suivent l’écrasement de la grande révolte indienne de 18579. Également, il comprend que le capitalisme « moderne », « occidental » assoit sa domination via l’impérialisme et le colonialisme. Non seulement les peuples subjugués sont « surexploités », générant des surprofits qui alimentent le capitalisme. Les puissances impérialistes « restructurent » les économies des colonies à leur profit (par exemple, en forçant leur adaptation aux besoins des marchés des puissances). Il souligne le caractère prédateur de l’aventure coloniale.
Le capitalisme prédateur
Tout ce que la bourgeoisie anglaise sera obligée de faire en Inde n’émancipera la masse du peuple ni n’améliorera substantiellement sa condition sociale, car ceci dépend non seulement du développement des forces productives, mais aussi de leur appropriation par le peuple. Mais ce qu’elle ne manquera pas de faire, c’est de créer les conditions matérielles pour les deux. La bourgeoisie a-t-elle elle jamais fait plus ? A-t-elle jamais effectué un progrès sans traîner les individus et les peuples à travers le sang et la boue, la misère et la dégradation ? Les Indiens ne récolteront pas les fruits des éléments de la nouvelle société semés de ci de là parmi eux par la bourgeoisie anglaise, jusqu’à ce qu’en Angleterre elle-même les classes dominantes n’aient été supplantées par le prolétariat industriel, ou que les Hindous eux-mêmes ne soient devenus assez forts pour rejeter définitivement le joug anglais10.
Plus encore selon Marx, le pouvoir des dominants repose en bonne partie sur la discrimination et le racisme, qui permettent de jeter les prolétaires les uns contre les autres. Il observe cela de près en Angleterre où le pouvoir des capitalistes se renforce du fait de la subjugation de l’Irlande qui est non seulement la « chasse gardée » de l’ancienne oligarchie féodale, mais qui est devenue une réserve de main d’œuvre à bon marché. Les ouvriers anglais, dit-il, détestent les ouvriers irlandais, ce qui crée non seulement une culture raciste, mais les conduit à appuyer « leur » classe dominante.
Malgré cela, Marx estime que l’expansion du capitalisme à l’échelle mondiale porte en soit des éléments d’un dépassement. Il s’oppose au protectionnisme et se retrouve du même côté que la bourgeoisie britannique et ses propositions d’imposer le « libre-échange » à l’échelle du monde, parce que cela, estime-t-il va accélérer le processus contradictoire sur lequel repose le capitalisme et donc à sa chute11.
Dans ses écrits subséquents, Marx se distancie de la vision optimiste de l’histoire qu’il avait exprimée auparavant. Il estime que le capitalisme tel qu’il s’est développé en Europe occidentale n’est pas une « fatalité », qu’il y a d’autres voies. Dans son œuvre maîtresse, Le Capital, il s’éloigne d’une vision unilinéaire des origines du développement du capitalisme et insiste plutôt sur la profusion des formes qui se différencient à travers les conditions spécifiques de chaque société sur le plan écologique et historique12.
Marx correspond avec les premiers socialistes russes dont Vera Zassoulitch où il évoque la force des communes paysannes dites « primitives », basée sur la propriété collective de la terre et qui pourraient, dit-il, être « le point d’appui de la régénération sociale en Russie »13 Par déduction, on peut alors penser qu’il cesse de voir l’Inde ou d’autres sociétés colonisées néo-capitalistes comme « stagnantes » et « arriérées ». Ces réflexions ouvrent la voie à des recherches originales sur les sociétés non-européennes que commencent à déchiffrer les intellectuels et les socialistes.
Dans ses derniers travaux, Marx étudie l’histoire de diverses sociétés où la transition entre les systèmes féodaux et le capitalisme s’effectue d’une manière totalement différente de celle qui a eu lieu en Angleterre et les pays de l’Europe occidentale. Il met en garde ses lecteurs et amis de voir le schéma de son analyse du capitalisme une sorte de « théorie historico-philosophique de la marche générale, fatalement imposée à tous les peuples, quelques que soient les circonstances historiques où ils se trouvent placés »14. En fin de compte, Marx ne voit plus la modernisation comme une simple« occidentalisation ». « Il ne prend plus l’évolution européenne comme mesure de toute histoire »15.
La théorie critique, dit-il ne peut être un « passe-partout » et doit étudier le processus en cours dans des milieux historiques différents dont les résultats peuvent être tout à fait disparates.
L’AIT et la question coloniale
Quand l’AIT est créée en 1864, le mouvement socialiste qui prend forme est relativement étranger à ces controverses. L’optimisme du Manifeste du parti communiste prévaut toujours, de même que cette conviction profondément enracinée à l’effet que le socialisme s’inscrit dans la « marche irrésistible » de l’histoire. Marx note dans son adresse inaugurale la progression des résistances ouvrières, des coopératives et des luttes politiques en Angleterre, en Allemagne, en Italie, en France, précise-t-il16. Dans la rédaction même des statuts, il est clair que l’internationalisme est requis, plus précisément, « que l’émancipation du travail, n’étant un problème ni local ni national, mais social, embrasse tous les pays dans lesquels existe la société moderne et nécessite, pour sa solution, le concours théorique et pratique des pays les plus avancés »17. Les mots sont dits : « société moderne », « pays les plus avancés ». Il ne fait nul doute que l’AIT est construite dans un espace délimité. La participation aux travaux est exclusivement européenne, et encore, principalement des « pays avancés » d’Europe de l’ouest18. En fait, l’initiative viendra de l’Angleterre, affirment les délégués au quatrième congrès de l’AIT à Bâle en septembre 1869.
La révolution surgira en Angleterre
Quoique l’initiative révolutionnaire partira probablement de la France, l’Angleterre seule peur servir de levier pour une révolution sérieusement économique. C’est le seul pays où il n’y a plus de paysans et où la propriété foncière est concentrée en peu de mains. C’est le seul pays où la forme capitaliste, c’est-à-dire le travail combiné sur une grande échelle sous les maîtres capitalistes, s’est engagée de presque toute la production. C’est le seul pays où la grande majorité de la population consiste en ouvriers salariés. C’est le seul pays où la lutte des classes et l’organisation de la classe ouvrière des trade-unions ont acquis un certain degré de maturité et d’universalité. À cause de sa domination sur le marché du monde, c’est le seul pays où chaque changement dans les faits économiques doit immédiatement réagir sur tout le monde19.
Certes, comme il est affirmé auparavant, les luttes « périphériques » en Europe attirent également l’attention de certains composantes de l’AIT, surtout celles qui sont sous l’influence de Marx. Pour plusieurs adversaires de Marx, l’appui aux luttes nationales en Irlande et en Pologne est un détournement de sens qui n’a rien à voir avec la lutte socialiste.
La perspective de Bakounine
Bakounine, par exemple, est longtemps associé au nationalisme « panslave » qui estime que tous les « peuples slaves » doivent se libérer ensemble et que par conséquent, la lutte pour l’indépendance de la Pologne est une dangereuse illusion20. Pour lui, la cause de la Pologne est une invention de « Juifs allemands et russes »21. A cette époque, tous les peuples slaves (à l’exception des Russes) étaient soumis et opprimés par d’autres peuples. Les Slaves du Sud – les Serbes et les Bulgares – faisaient partie de l’Empire ottoman turc. Les Slaves de l’Ouest – les Tchèques et les Slovaques – faisaient partie de l’Empire des Habsbourg, lui-même dominé par des Allemands. La Pologne, qui était le plus grand pays slave après la Russie, était divisée à cette époque entre l’Empire des Habsbourg, la Prusse et l’empire slave de la Russie tsariste. Les mouvements démocratiques et socialistes européens sont presque tous fortement partisans de l’indépendance de la Pologne, qu’ils voient comme une nation opprimée par un État autocratique. Parmi les premières activités de l’AIT on trouve des meetings pour appuyer la lutte polonaise et même collecter des fonds pour les mouvements de rébellion.
Plus tard, Bakounine délaisse la « grande cause » slave. Pour lui l’oppression des peuples doit être condamnée. Cette oppression, c’est celle de l’État et donc quand cet État sera aboli, les peuples seront libérés : « Le temps viendra où sur les ruines des États politiques sera fondée en toute liberté l’alliance libre et fraternelle, organisée de bas en haut, des associations libres de production, des communes et des fédérations régionales englobant sans distinction, parce que librement, les individus de toute langue et de toute nationalité». En attendant dit-il, la lutte d’émancipation nationale doit être appuyée, en autant qu’elle se fasse « dans l’intérêt tant politique qu’économique des masses populaires (…) et non avec l’intention ambitieuse de fonder un puissant État », (ce qui serait) un mouvement rétrograde, funeste, contre révolutionnaire »22.
Les limites de l’européocentrisme
Au-delà des questions polonaises et irlandaises, les luttes d’émancipation nationale occupent très peu de place dans les travaux de l’AIT. Quelques correspondances sont établies avec des individus et des groupes en Amérique latine, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, qui sont surtout composés d’immigrants européens, comme ces anarchistes italiens établis en Égypte qui sont sous l’influence de l’anarchiste italien Malatesta.
En tout et pour tout, la Première Internationale n’a pas pu démêler la question coloniale. Plus souvent qu’autrement, c’est le silence et l’ignorance qui ont prévalu, sur un fort fonds de préjugés bien installés dans cette conception selon laquelle le prolétariat européen est « porteur de l’histoire ».
Devant la montée des luttes d’émancipation nationale cependant, les socialistes européens et l’AIT sont appelées à évoluer. Pour autant, si les luttes de l’Irlande et de la Pologne « méritent » d’être appuyées, c’est qu’elles proviennent de « nations historiques » (et non de « reliques de peuples » selon l’expression insultante d’Engels). Par ailleurs, le droit à l’autodétermination est un principe plutôt circonstanciel, puisque dans l’imaginaire de l’époque, les « grandes nations avancées » favorisent le développement historique et donc l’essor du socialisme. Dans les deux cas qui sont l’objet de débats, l’argument de Marx est par ailleurs « utilitaire » : la lutte ouvrière en Angleterre ne peut se renforcer à moins que l’indépendance de l’Irlande ne survienne, car sa subjugation à l’Empire favorise la classe dominante et distille dans l’esprit des prolétaires anglais le poison du racisme. Dans ce contexte, mais dans ce contexte seulement, luttes nationales et luttes sociales deviennent complémentaires23.
Les ambiguïtés de la Deuxième Internationale
Après les grandes luttes de la Commune, l’AIT amorce son déclin. Après la dissolution du Conseil général lors du congrès de Philadelphie (1876), des groupes anarchistes de Suisse et d’Italie tentent de maintenir la flamme, mais il est déjà trop tard. Le centre de gravité se déplace vers de puissants partis socialistes de masse, notamment en Allemagne. En 1889, une vingtaine de ces partis se réunissent à Paris à l’initiative d’Engels et des chefs socialistes allemands et français Karl Kautsky et Jean Jaurès. Ils créent le Bureau socialiste international où on retrouve essentiellement des groupes européens, mais aussi de quelques petites formations latino-américaines. Rapidement, cette nouvelle Internationale dite « socialiste » monte au fur et à mesure de ses principaux partis-membres. Quelques années après sa fondation, elle prétend regrouper 3,3 millions d’adhérents. Face à la question coloniale, la nouvelle Internationale partage les idées léguées par l’AIT. La posture est globalement critique par rapport aux pratiques coloniales, mais le mouvement prolétarien européen est celui qui pourra trouver la solution comme l’affirme Engels, inspirateur de l’Internationale et « légataire » de Marx.
L’émancipation
À mon avis, les colonies proprement dites, c’est‑à‑dire les pays peuplés d’éléments de souche européenne, le Canada, la Cap, l’Australie, deviendront tous indépendants ; par contre, les pays sous simple domination et peuplés d’indigènes, Inde, Algérie, les possessions hollandaises, portugaises et espagnoles, devront être pris en charge provisoirement par le prolétariat et conduits à l’indépendance, aussi rapidement que possible. Comment ce processus se développera, voilà qui est difficile à dire. L’Inde fera peut‑ être une révolution, c’est même très vraisemblable. Et comme le prolétariat se libérant ne peut mener aucune guerre coloniale, on serait obligé de laisser faire, ce qui, naturellement, n’irait pas sans des destructions de toutes sortes, mais de tels faits sont inséparables de toutes les révolutions. Le même processus pourrait se dérouler aussi ailleurs : par exemple en Algérie et en Égypte, et ceci serait, pour nous,certainement la meilleure solution. Nous aurons assez à faire chez nous. Une fois que l’Europe et l’Amérique du Nord seront réorganisées, elles constitueront une force si colossale et un exemple tel que les peuples à demi-civilisés viendront d’eux-mêmes dans leur sillage : les besoins économiques y pourvoiront déjà à eux seuls. Mais par quelles phases de développement social et politique ces pays devront passer par la suite pour parvenir eux aussi à une structure socialiste, là‑dessus, je crois, nous ne pouvons aujourd’hui qu’échafauder des hypothèses assez oiseuses. Une seule chose est sûre : le prolétariat victorieux ne peut faire de force le bonheur d’aucun peuple étranger, sans par-là miner sa propre victoire. Ceci ne signifie naturellement pas que des guerres défensives de diverses sortes soient exclues (…)
Engels24
Le colonialisme en débat
Entre-temps, les puissances relancent l’aventure coloniale. En 1884, les États européens se repartagent l’Afrique. L’esclavage se « modernise » sous la coupe des dispositifs répressifs et politiques mis en place sur l’ensemble du continent. L’Empire britannique, de loin le plus puissant, tente de consolider son emprise sur l’Inde. Pendant ce temps, les États-Unis s’emparent de Cuba et des Philippines. Le Japon s’acharne contre la Chine et la Corée. Dans les Balkans, trois empires (l’État tsariste en Russie, l’empire austro-hongrois et l’empire ottoman) s’affrontent dans un processus qui culmine plus tard avec la Première Guerre mondiale.
Dans le sillon de cette entreprise de prédation, des massacres sans précédent sont perpétrés par les puissances coloniales. Au Congo dit « belge », la colonie est une propriété personnelle du roi Léopold ll. Entre 3 et 10 millions de Congolais sont tués par le travail forcé et les prédations de l’armée au début du vingtième siècle. Selon Adam Hochschild, c’est un génocide25. En Namibie sous l’occupation allemande, l’armée allemande est responsable du massacre des héréros en 1904. Le général Lothar van Trotha donne l’ordre à ses soldats d’exterminer les Africains (Vernichtungsbefehl). De retour en Allemagne, il est nommé général d’infanterie. Les socialistes allemands protestent, sans plus. En France, le leader socialiste Jean Jaurès appuie la colonisation de l’Algérie, « Ces peuples sont des enfants » affirme-t-il. On pourra les civiliser en construisant des écoles. Pour autant, il critique les pratiques brutales de l’armée française. Plus tard lors de l’invasion du Maroc, il prend parti pour les Marocains26.
Au début du siècle, l’Internationale revient plusieurs fois sur la question coloniale. À Paris en 1900, le congrès invite « les peuples à combattre la politique d’expansion et à dénoncer les modes d’oppression employés alors ». Cette condamnation ambigüe laisse entendre qu’il peut y avoir une politique coloniale socialiste27. En 1904 à Amsterdam, des délégués anglais dénoncent les impacts du colonialisme britannique, notamment en Inde. Des participants allemands ne veulent pas que l’Internationale aille aussi loin et qu’il faille plutôt empêcher les crimes coloniaux en soumettant l’administration coloniale au contrôle parlementaire. L’opinion majoritaire, au bout de la ligne, est que le colonialisme est une réalité qui est là pour rester et qui ne peut être supprimé. En Belgique sur la question des atrocités commises au Congo, les socialistes sont divisés. Le leader Vandeveelde estime que la colonie, qui appartient au roi, doit être « prise en charge » par l’État belge et son Parlement, ce qui serait selon lui une manière de démocratiser la colonisation.
En 1907, le Congrès de l’Internationale à Stuttgart (Allemagne) devient un moment d’affrontement. Les délégués allemands dont le leader socialiste Edouard Bernstein présentent la colonisation comme un fait qu’il serait erroné de combattre. D’autre part, le régime colonial peut agir dans un sens civilisateur. Par contre affirment-ils, il faut « dégager la colonisation de la barbarie coloniale ». Éventuellement selon eux, ces pays pourraient devenir indépendants. Selon Bernstein, « les colonies sont là pour rester. Les peuples civilises doivent guider les peuples non-civilisés. Notre vie économique repose sur des produits qui viennent des colonies que les indigènes ne peuvent pas utiliser »28.
Face à cette approche, une nouvelle perspective est avancée par Karl Kautsky, un autre dirigeant de la social-démocratie allemande. Il voit la colonisation comme un développement contemporain du capitalisme et que les socialistes doivent s’y opposer. Son point de vue l’emporte lors du vote à la fin du congrès et qui affirme que le combat contre l’exploitation coloniale fait désormais partie du combat socialiste29.
Malgré cette avancée, les socialistes européens ne veulent pas transformer leurs pratiques. Les condamnations des exactions coloniales « sont dénoncés uniquement dans le but de souligner l’hypocrisie des classes dominantes. (Elles) ne débouchent jamais sur l’identification des indigènes comme opprimés ou persécutés dont les combats relèveraient d’une résistance légitime à l’expansion coloniale (…) Ni les indigènes ni les tribus ne sont pensés comme sujets de l’histoire avec lesquels il faut se solidariser »30. Si des mouvements sont plus vigoureux et dynamiques31, les socialistes tout en adoptant des professions de foi internationalistes restent ambigus, voire hésitants. Ils demeurent convaincus de l’inéluctabilité du socialisme32. Quant aux nations opprimées, elles n’ont qu’à être patientes !
De la guerre à la révolution
Les Empires entre-temps continuent leurs prédations. Mais de plus en plus, ils se confrontent les uns les autres. Le clash est violent dans les Balkans où trois États impériaux se confrontent sur une vaste population multinationale. Empêtrés dans leur vision évolutionniste, les socialistes, dans leur majorité, attendent le grand jour qui amènera le prolétariat triomphant au pouvoir. Des dissidents ne sont pas satisfaits de cette vision toutefois. Dans l’Empire austro-hongrois, ils essaient d’organiser des populations qui réclament leurs droits et qui n’acceptent pas de se faire traiter de « peuples sans histoire » (l’expression d’Engels). Un autrichien, Otto Bauer, propose que les luttes nationales peuvent renforcer les luttes socialistes. Il avance l’idée du droit à l’autodétermination des nations. Les affrontements se multiplient, pas seulement dans les Balkans, mais en Asie où la Chine est dépecée par les grandes puissances et où surgit une puissante révolution anti-impérialiste qui met à bas l’État millénaire. Cette immense conflictualité annonce l’orage.
Au sein de l’Internationale, les Russes occupent une place singulière. Nation « semi civilisée » selon les critères établis par les canons du socialisme, « périphérie » des métropoles impérialistes de l’Ouest, la Russie est à la fois un pays capitaliste et une semi colonie, sous le joug d’une autocratie extrêmement répressive. Le mouvement socialiste s’y développe de manière particulière, avec une radicalité qui détonne. D’autre part, puisque l’Empire tsariste domine sur une vaste portion de l’Europe et de l’Asie, la résistance des nations y est très forte. C’est cette combinaison particulière qui aboutit à la révolution soviétique. Avant que n’éclatent les grands mouvements de 1917, Lénine questionne les perspectives de l’Internationale. Il est frappé de stupéfaction quand les grands partis socialistes en Allemagne, en France et en Angleterre appuient la guerre. Il constate que cet aveuglement s’inscrit en continuité avec leur incapacité de s’opposer aux pratiques impérialistes et coloniales que ces États déploient ailleurs dans le monde depuis déjà quelques années. Pour Lénine, le capitalisme est arrivé à un stade où il devient mondialisé, ce qui veut dire l’inévitabilité de la guerre.
L’impérialisme, stade suprême du capitalisme
D’embryon, l’impérialisme est devenu le système prédominant; les monopoles capitalistes ont pris la première place dans l’économie et la politique; le partage du monde a été mené à son terme; d’autre part, au lieu du monopole sans partage de l’Angleterre, nous assistons maintenant à la lutte d’un petit nombre de puissances impérialistes pour la participation au monopole, lutte qui caractérise tout le début du XXe siècle (…) L’impérialisme est l’époque du capital financier et des monopoles, qui provoquent partout des tendances à la domination et non à la liberté (…) De même se renforcent particulièrement l’oppression nationale et la tendance aux annexions, c’est-à-dire à la violation de l’indépendance nationale (car l’annexion n’est rien d’autre qu’une violation du droit des nations à disposer d’elles-mêmes)33.
Lénine reprend l’idée que l’impérialisme européen s’appuie sur une partie des classes populaires en échange d’une partie des surprofits accumulés dans les colonies. Par ailleurs, estime-t-il, les nations colonisées ne sont pas seulement des victimes, mais des acteurs centraux de la lutte des classes à l’échelle mondiale34. Loin d’être un « front secondaire » qui doit patiemment « attendre » la révolution dans les pays capitalistes avancées, le mouvement de libération dans les colonies « menace le capital dans ses domaines d’exploitation les plus précieux »35. Et effectivement, la révolte se répand rapidement.
Lorsque le pouvoir des Soviets est mis en place en Russie, l’idée d’étendre la révolution au reste du monde devient palpable. L’Internationale socialiste est effondrée et alors surgit l’Internationale communiste (IC). Après les échecs des tentatives révolutionnaires en Allemagne, en Hongrie, en Italie, l’IC regarde vers l’« Orient ». En 1920, des milliers de personnes se réunissent à Bakou. Ils proviennent de dizaines de nationalités et ils sont surtout impliqués dans des luttes de libération nationale anti-impérialistes. La gauche européenne doit, affirme l’IC, en finir une fois pour toutes avec l’européocentrisme et le mépris des luttes des peuples dominés.
La révolution viendra des colonies
Le socialiste qui, directement ou indirectement, défend la situation privilégiée de certaines nations au détriment des autres, qui s’accommode de l’esclavage colonial, qui admet des droits entre les hommes de race et de couleur différentes; qui aide la bourgeoisie de la métropole à maintenir sa domination sur les colonies au lieu de favoriser l’insurrection armée de ces colonies, le socialiste anglais qui ne soutient pas de tout son pouvoir l’insurrection de l’Irlande, de l’Égypte et de l’Inde contre la ploutocratie londonienne, – ce « socialiste », loin de pouvoir prétendre au mandat et à la confiance du prolétariat, mérite sinon des balles, au moins la marque de l’opprobre (…) Nous disons qu’il n’y a pas seulement au monde des hommes de race blanche (…). Outre les Européens, des centaines de millions d’hommes d’autres races peuplent l’Asie et l’Afrique. Nous voulons en finir avec la domination du capital dans le monde entier. Nous sommes convaincus que nous ne pourrons abolir définitivement l’exploitation de l’homme par l’homme, que si nous allumons l’incendie révolutionnaire, non seulement en Europe et en Amérique mais dans le monde entier, si nous sommes suivis par cette portion de l’humanité qui peuple l’Asie et l’Afrique. L’Internationale Communiste veut que les hommes parlant toutes les langues se réunissent sous ses drapeaux. L’Internationale Communiste est convaincue qu’elle ne sera pas seulement suivie par des prolétaires d’Europe, et que, formant comme une immense réserve de fantassins, les lourdes masses paysannes de l’Asie, du proche et du lointain Orient vont s’ébranler à leur suite36.
Après Bakou, l’« incendie » se répand rapidement. La Chine devient le territoire d’une vaste révolution populaire, comme le Vietnam et d’autres pays asiatiques. En Afrique, c’est le début du mouvement anticolonial et dans les Amériques, des insurrections éclatent contre les États subalternes manipulés par les États-Unis, notamment au Brésil, au Nicaragua, au Salvador37. Après l’éclipse de l’IC, de nouveaux réseaux sont mis en place. Dans ce qui devient le tiers-monde, l’Internationale devient la Tricontinentale qui regroupe des centaines d’organisations révolutionnaires en Asie, en Afrique et dans les Amériques. Sur le fonds, le concept de l’AIT d’une émancipation sociale radicale se combine à la perspective anti-impérialiste.
Le message du Che Guevara
En définitive, il faut tenir compte du fait que l’impérialisme est un système mondial, stade suprême du capitalisme, et qu’il faut le battre dans un grand affrontement mondial. Le but stratégique de cette lutte doit être la destruction de l’impérialisme. Le rôle qui nous revient à nous, exploités et sous-développés du monde, c’est d’éliminer les bases de subsistance de l’impérialisme : nos pays opprimés, d’où ils tirent des capitaux, des matières premières, des techniciens et des ouvriers à bon marché et où ils exportent de nouveaux capitaux (des instruments de domination) des armes et toutes sortes d’articles, nous soumettant à une dépendance absolue (…) S’ils nous revient, à nous qui en un petit point de la carte du monde accomplissons le devoir que nous préconisons et mettons au service de la lutte ce peu qu’il nous est permis de donner, nos vies, notre sacrifice, de rendre un de ces jours le dernier soupir sur n’importe quelle terre, désormais nôtre, arrosée par notre sang, sachez que nous avons mesuré la portée de nos actes et que nous ne nous considérons que comme des éléments de la grande armée du prolétariat, mais que nous nous sentons fiers d’avoir appris de la Révolution Cubaine et de son dirigeant suprême la grande leçon qui émane de son attitude dans cette partie du monde : “Qu’importent les dangers ou les sacrifices d’un homme ou d’un peuple, quand ce qui est en jeu c’est le destin de l’humanité”38.
Notes
- Marx et Engels, Le manifeste du parti communiste (1847), < http://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe18470000a.htm#sect1 >
- Idem.
- Idem.
- Voir Ramon Grosfoguel, « Vers une décolonisation des « uni-versalismes » occidentaux : le « pluri-versalisme décolonial », d’Aimé Césaire aux zapatistes », Sous la direction de Bancel Nicolas, Florence Bernault, PaScal Blanchard, Ahmed Boubeker, Achille Mbembe, François Vergès, Ruptures post-coloniales. Les nouveaux visages de la société française, La Découverte, Paris, 2010.
- Karl Marx, « Les résultats éventuel de la domination britannique en Inde », New York Daily Tribune, 8 août 1853, in Sur les sociétés précapitalistes, Textes choisis de Marx, Engels Lénine, sous la direction de Maurice Godelier, Éditions sociales, Paris 1970. Page 178.
- Idem.
- Karl Marx, « La domination britannique en Inde », New York Daily Tribune, 25 juin 1853, in Sur les sociétés précapitalistes, Textes choisis de Marx, Engels Lénine, sous la direction de Maurice Godelier, Éditions sociales, Paris 1970. Page 176.
- Voir à ce sujet Lindner Kolja, « L’eurocentrisme de Marx : pour un dialogue du débat marxien avec les études postcoloniales », Actuel Marx 2/ 2010 (n° 48), p. 106-128
- C’est dans les mêmes années que Marx et Engels deviennent des partisans de l’indépendance de la Pologne et surtout de l’Irlande. Ils se détachent d’une vision antérieure où ces « petites » nations « demi-civilisées » devaient attendre leur salut des « grandes » nations « civilisées.
- Karl Marx et Friedrich Engels, Du colonialisme en Asie, Mille et une nuits, Paris, 2001, p. 50.
- Mauro di Meglio et Pietro Masina, “Marx and Underdevelopment”, in Ben Fine et Alfredo Saad-Filho, The Elgar Companion to Marxist Economics, Cheltenham (GB): Edward Elgar, 2012
- Voir Kevin B. Anderson « Marx’s Early Writings on Non-Western and Precapitalist Societies and Gender », in Karl Marx, Edited by Bertel Ollman and Kevin B. Anderson, Farnham (UK): Ashgate, 2012.
- Marx, « Lettre à Véra Zassoulitch », in Sur les sociétés précapitalistes, page 342.
- Marx, « Lettre à la rédaction des « Otétchestvenniye Zapisky », novembre 1877, in Sur les sociétés précapitalistes, page 351.
- Lindner Kolja, « L’eurocentrisme de Marx : pour un dialogue du débat marxien avec les études postcoloniales », Actuel Marx 2/ 2010 (n° 48), p. 106-128
- Marx, Manifeste inaugural de l’Association internationale des travailleurs (1864), < http://marxists.org/francais/marx/works/1864/09/18640928.htm >
- Marx, Statuts de l’Association internationale des travailleurs (1864), < http://marxists.org/francais/marx/works/1864/00/18640000.htm >
- Dans les procès-verbaux des rencontres et congrès de l’AIT, sont mentionnées des sections participantes de Suisse, France, Belgique, Pays-Bas, Grande-Bretagne, États-Unis, Italie, Espagne, Portugal, Allemagne, Autriche, Hongrie (qui fait partie de l’Empire autrichien alors). Certaines personnalités associées à l’AIT viennent de Russie, de Pologne, de territoires de l’Empire ottoman comme la Grèce et la Serbie, mais ils vivent et limitent dans les pays européens évoqués plus haut.
- Association internationale des travailleurs, Congrès de Bâle, « Communication privée du Conseil général, in Jacques Frémond (sous la direction de), La Première Internationale, tome ll, Librairie E. Droz, Genève 1962, page 135
- Voir son « Appel aux Slaves », < http://www.marxists.org/reference/archive/bakunin/works/1848/pan-slavism.htm
- Sous la direction de Jacques Freymond, La Première Internationale, tome ll, Librairie Droz, Genève 1962, « Réponse du citoyen Bakounine », p. 301.
- Michel Bakounine [1866], « Points essentiels des catéchismes nationaux », in Guérin, D., éd., Ni Dieu ni maître, Paris 1969 p. 202
- Voir Georges Haupt, « Les marxistes face à la question nationale : L’histoire du problème », in Georges Haupt, Michael Lowy et Claudie Weill, Les marxistes et la question nationale, Éditions L’Étincelle, Montréal 1970
- Lettre de Engels à Karl Kautsky, 12 septembre 1882, < http://www.marxists.org/francais/engels/works/1882/09/fe18820912.htm >
- Adam Hochschild, Les Fantômes du roi Léopold, Paris Belfond, 1998.
- Georges Haupt et Madeleine Rebérioux (dir.), La Deuxième Internationale et l’Orient, Cujas, 1967.
- Jacques Droz, L’Internationale Ouvrière de 1864 à 1920. La Deuxième Internationale et la question coloniale, < http://www.marxists.org/francais/general/droz/works/00/13deuxieme.htm »
- Voir E. Belfort Bax, The International Congress and Colonial Policy, (1907), < http://www.marxists.org/archive/kautsky/1907/colonial/1-intro.htm
- Karl Kautsky, Socialism and Colonial Policy (1907),< http://www.marxists.org/archive/bax/1907/09/colpol.htm >
- Abdellali Hajjat, « Marx et le colonialisme », Un débat sur Marx et le colonialisme, < http://www.democratie-socialisme.org/IMG/article_PDF/article_1315.pdf >
- Par exemple, la Confédération générale du travail, en France, sous l’influence de ses éléments anarcho-syndicalistes.
- Karl Kautsky, « La nationalité moderne » [1887], dans Haupt, Löwy et Weill, op. cit., p. 125.
- Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme (1916), < http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/vlimperi/vlimp.htm
- Lénine, « Rapport sur la situation internationale et les tâches fondamentales de l’Internationale communiste », Œuvres complètes, tome 33 (avril-décembre 1920. < http://www.marxists.org/francais/lenin/oeuvres/vol_31.htm >.
- Vladimir I. Lénine, L’impérialisme stade suprême du capitalisme, Œuvres choisies, tome 1, Moscou, Éditions du progrès, 1971, p. 752.
- L’Internationale communiste et la libération de l’Orient. Le premier Congrès des peuples de l’orient, Milan, Feltrinelli, 1967, p. 33
- Voir Michael Löwy, Le marxisme en Amérique latine. Anthologie, Éditions François Maspéro, Paris, 1970.
- Che Guevara, Message à la Tricontinentale (1967), < http://www.marxists.org/francais/guevara/works/1967/00/tricontinentale.htm >